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Lorsque Dieu le Père créa le monde, il dispersa les ressources naturelles sur tous les continents à la manière d’un pâtissier qui saupoudre de sucre un gâteau. Les uns reçurent du cuivre, d’autres du fer, d’autres encore de l’or ou du platine. Certains furent pourvus de forêts giboyeuses ou de savanes propices à l’agriculture. Mais à la fin de son travail, épuisé, il constata qu’il lui restait un important stock de matières premières. Voulant se reposer à la veille du septième jour, il abandonna son sac de richesses au cœur de l’Afrique en pleine forêt tropicale. Ce que voyant, Saint-Pierre lui chuchota à l’oreille que c’était injuste de confier de telles ressources à un seul pays. Mais le Créateur le rassura en lui disant qu’il n’avait pas à se tracasser, car dans ce coin perdu il installerait une classe politique incapable d’en faire profiter la population. Puis, son devoir accompli, il alla se reposer le dernier jour de la création…
Telle est la fable insolente qui explique que depuis l’arrivée des premiers colons dans la région, le Congo est qualifié de « scandale géologique ». On oublie de préciser que le bassin du fleuve Congo est aussi un « scandale hydroélectrique » qui permettrait d’alimenter en électricité tout le continent et un « scandale agronomique » avec plus de 80 millions d’hectares de terres arables dont 10 % seulement sont mises en valeur. Bref, ce pays, grand comme quatre-vingts fois la Belgique ou comme quatre fois la France métropolitaine, aurait pu devenir un paradis sur terre. Mais c’était sans compter avec les convoitises de ses voisins et des multinationales avides de richesses et surtout avec l’incompétence et l’affairisme de ses dirigeants corrompus. Une vraie malédiction pour les pauvres populations qui habitent à cheval sur l’équateur et qui ne cessent de se déchirer ou d’être envahies par des voisins gourmands. Pendant que quelques sociétés étrangères ou quelques Congolais, que ce soit durant la colonie, durant la dictature de Mobutu, ou encore de nos jours, se constituent des fortunes colossales, la grande majorité des citoyens vit dans la pauvreté avec à peine un dollar par jour.
Les Congolais moyens ont trop souvent tendance à accuser les Belges d’avoir pillé leur pays. Ils oublient qu’au 30 juin 1960 la Belgique avait laissé un pays qui fonctionnait, dont les routes étaient entretenues, où les trains roulaient, où les fonctionnaires étaient décemment payés. Un pays qui était un exemple de développement pour l’Afrique et dont le PIB par habitant était équivalent au PIB des Coréens du Sud. Certes, les revenus de la dixième province belge, comme il était de coutume de la qualifier, avaient permis quelques réalisations somptueuses en Belgique et l’enrichissement de quelques sociétés comme la Société Générale. Mais il en fut de même pour toutes les puissances coloniales qui tirèrent profit de leurs vastes empires d’outre-mer. Malheureusement, aujourd’hui, après cinquante années d’indépendance, la même durée que la période coloniale, plus rien ne marche. Les gouvernements congolais successifs ont bradé leurs ressources minières et forestières au détriment de la nation. L’État a sans cesse ponctionné les recettes des entreprises pour des dépenses de prestige, éléphants blancs comme Gbadolite, qui disparaissent maintenant dans la brousse. Quelques élites congolaises se sont largement servies avant de s’expatrier, fortune faite, en Europe ou aux États-Unis. Cela a entraîné la République démocratique du Congo à la dernière place du classement de l’indice du développement humain publié par le PNUD (Programme des Nations-Unies pour le développement).
Et voilà que maintenant, on découvre que la République démocratique du Congo sera peut-être le prochain eldorado des compagnies pétrolières. Les experts estiment en effet qu’il y a du pétrole partout dans le pays : sur le littoral, dans la cuvette centrale, dans la zone du Graben qui va du lac Albert au lac Tanganyika en englobant le parc des Virunga limitrophe du Rwanda. Cela expliquerait, certainement plus que la présence du coltan et de la cassitérite, l’implication du Rwanda et de l’Ouganda dans tous les mouvements de rébellion de l’est du pays.
Le pétrole, est une malédiction pour les pays qui en sont pourvus. Dans sa sagesse, le président Houphouët-Boigny se réjouissait, il y a quelques dizaines d’années, que son pays en fut démuni. On n’avait certes pas encore découvert les gisements au large du littoral de la Côte d’Ivoire et le développement du pays était basé essentiellement sur l’agriculture. En quelques années, la Côte d’Ivoire devint un des premiers producteurs mondiaux de cacao, de café, d’huile de palme. Alors que le grand voisin nigérian, autosuffisant pendant la colonisation anglaise, largement pourvu en hydrocarbure, devait importer 90 % de ses denrées alimentaires. Le principal exploitant du pétrole nigérian, la Royal Dutch Shell, n’a rien fait pour aider la région du delta, riche en or noir. Elle a pollué toutes les rivières et le peuple Ogoni croupit dans la misère. Ce qui a entraîné de jeunes autochtones à prendre les armes et à saboter les installations de la multinationale pétrolière défendues par l’armée nationale.
En RDC, le pétrole a été longtemps ignoré tellement les investisseurs et les pouvoirs politiques étaient obnubilés par le cuivre, les diamants, la cassitérite et autres minerais dont regorge le sous-sol. L’agriculture, florissante du temps de la colonie, fut abandonnée après le départ des Belges. Les habitants de la province Orientale et de son chef-lieu, Kisangani, ne vivent plus aujourd’hui que des ressources du diamant ou de l’or. Les seuls comptoirs qui ont pignon sur rue à Kisangani sont des négociants en diamants ou en or, alors que la plupart des légumes proviennent du nord du Kivu et que même le poulet est importé !
La recherche du pétrole sur la côte atlantique, à Moanda, a commencé timidement en 1967 et la production n’a débuté qu’en 1975 en mer et en 1981 sur terre. Il est exploité depuis 2001 par la société franco-britannique Perenco à la suite d’un accord secret qui court jusqu’en 2030. Le gisement produirait environ 28 000 barils par jour, mais ce chiffre ne peut pas être vérifié par les autorités congolaises, car le chargement du brut se fait au large depuis un réservoir immergé sans la présence d’un contrôleur de l’État ! Ce gisement se trouve dans le prolongement du bassin pétrolier maritime de l’enclave de Cabinda. Un petit territoire de 7 270 km² sur le versant nord du fleuve Congo qui a appartenu au Portugal et a été rattaché à l’Angola en 1956 par le gouvernement colonial de Salazar. Ce petit bout de terre n’est séparé de sa mère patrie que par l’étroit débouché de 37 kilomètres qui relie l’immense République démocratique du Congo à l’océan. Ce découpage a été défini par la « Convention entre le Portugal et l’Association internationale du Congo » annexée au protocole de la conférence de Berlin, le 14 février 1885. À cette époque où le pétrole n’était pas encore une matière stratégique, le roi Léopold II était surtout soucieux d’obtenir un couloir d’accès à la mer pour son vaste domaine personnel. Aujourd’hui, que l’Angola est devenu un des principaux producteurs de brut d’Afrique, les eaux territoriales congolaises sont encerclées par des blocs pétroliers qui ne lui appartiennent pas comme le montre la carte ci-dessous. Ah ! Si le roi Léopold II avait été plus gourmand et avait revendiqué cette enclave coincée entre la RDC et le Congo-Brazzaville qui avait pourtant fait partie du royaume Kongo ! Mais on ne refait pas l’Histoire.
L’enclave de Cabinda, parfois surnommée le « Koweït africain », produit environ 30 % du pétrole angolais. Par contre, quand on analyse les comptes de l’Angola, elle rapporte la moitié de la rente pétrolière… Sans commentaires, d’autant plus que le Fonds monétaire international (FMI) n’a jamais pu obtenir du gouvernement de José Eduardo Dos Santos et du président de la Sonangol des explications sur les 32 milliards de dollars non enregistrés dans le budget de l’État. Un beau flou financier qui témoigne du manque de transparence – quel euphémisme – dans la gestion d’un pays dont deux tiers de la population vivent dans une extrême pauvreté malgré une croissance économique extraordinaire. Un ange passe la tête cachée sous ses ailes…
Depuis quelques années, un différend existe entre l’Angola, deuxième producteur d’Afrique subsaharienne, et la RDC pour l’exploitation de ces champs pétroliers en mer. Le gouvernement congolais s’est enfin décidé à monter au créneau et à réclamer une part de ce pactole que le président Mobutu avait négligé. D’où l’expulsion violente de ressortissants congolais par les autorités de Luanda. En 1974, le Zaïre avait déterminé par une loi très floue ses frontières maritimes et accepté un état de fait (Loi nº 74-009 du 10 juillet 1974 portant délimitation de la mer territoriale de la République du Zaïre, Journal officiel, no. Spécial, 15 octobre 2005 ). Curieusement, à cette époque, lorsqu’il inaugura les installations de Moanda, Mobutu déclara que le Zaïre devrait produire le double de sa consommation nationale. Il semble que le Maréchal-Président et son entourage se soient enrichis avec des majors comme Gulf et Chevron.
Mais vu la montée du cours du brut, Kinshasa veut maintenant renégocier les espaces maritimes avec son voisin angolais et obtenir un découpage plus équitable du plateau continental basé sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de Montego Bay (Selon l’article 77 de la Convention de Montego Bay, « l’État côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles ». Ces droits sont exclusifs, que l’État côtier exploite ou non son plateau continental). Cette convention définit la zone maritime appartenant à la RDC par des lignes perpendiculaires à la côte sur au moins 200 miles et non sur un petit triangle de 17 km. Les experts estiment que la compagnie Chevron pompe pour l’Angola 600 000 barils par jour dans le bloc 15 au nez et à la barbe de Kinshasa. Des négociations ont bien débuté entre Kinshasa et Luanda, mais les représentants de la partie congolaise ont accepté de les reporter à 2014 ! Le gouvernement de Luanda est actuellement en position de force. Le président Kabila ne veut pas s’opposer à son homologue angolais Dos Santos dont il aura peut-être besoin dans l’est de la RDC pour faire face aux rébellions appuyées par le Rwanda et l’Ouganda. Un grand jeu de poker menteur aux odeurs de pétrole qui ne fait que commencer. Pendant ce temps, l’or noir continue de s’accumuler dans les caisses opaques de l’Angola…
Autre enjeu de taille : le lac Albert et le Graben Albertine, bras ouest de la vallée africaine du Rift, à cheval sur la frontière avec l’Ouganda, qui s’étend jusqu’au lac Édouard. Jusqu’il y a peu, aucune compagnie pétrolière importante ne s’intéressait à cette région enclavée, sauf quelques petites entreprises comme Tullow Oil ou Heritage Oil. Mais il semble que les grandes manœuvres aient commencé avec l’ouverture de six blocs d’exploration au Nord-Kivu et dans l’Ituri. Les géants mondiaux du pétrole comme le français Total, l’américain Exxon ou l’italien ENI sont sortis du bois. Une semaine seulement après son investiture, après des élections largement contestées, le président Joseph Kabila s’est empressé de signer de sa main, le 27 décembre 2011 – merci papa Noël – une ordonnance accordant l’autorisation à la société Total d’opérer dans le bloc 3. Plusieurs de ces blocs sont situés dans le prestigieux et splendide parc national des Virunga qui longe l’Ouganda et le Rwanda. On comprend ainsi mieux la résurgence de groupes armés rebelles, M23, FDLR et autres Maï-Maï, financés par le Rwandais Kagame et l’Ougandais Museveni. Ces deux présidents sont prêts à sauter sur toutes les occasions pour grignoter les frontières de la RDC. Dès juillet, l’International Crisis Group (ICG) a tiré le signal d’alarme en écrivant que la prospection pétrolière dans l’est du Congo « pourrait aggraver le conflit dans les zones à haut risque des Kivu, et réveiller des velléités séparatistes, entretenues par l’échec de la décentralisation et le différend financier entre l’État central et les provinces ». Le Rwanda ne perd pas son temps et le M23 a déjà installé une administration parallèle à Rutshuru ! À New York, le Secrétaire général de l’ONU, Ban-Ki-Moon, a organisé le 27 septembre une rencontre à huis clos entre les présidents de la RDC, du Rwanda et de la Zambie, en marge des travaux de la 67e session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Mais les deux antagonistes ont campé sur leurs positions et aucun communiqué final n’a été publié.
L’ONG Greenpeace s’est immédiatement élevée contre cette décision qui risque d’avoir un impact sur la biodiversité – une des plus riches de l’Afrique – de cette zone classée au patrimoine de l’humanité de l’UNESCO même si la compagnie Total s’est rapprochée du WWF (World Wildlife Fund) pour se garantir une couverture écologique. Il est plus que temps, car les rebelles du M23 ont déjà transformé le poste de Bukima, qui était géré par l’ICCN (Institut congolais de la conservation de la nature), en centre de formation pour ses nouvelles recrues. C’est au départ de ce poste, perché au sommet des collines du Nord-Kivu, à une soixantaine de kilomètres au nord de Goma, que j’étais allé en mai 2006 à la découverte des gorilles des montagnes dont c’est un des derniers refuges. « Des coups de feu qui seront tirés par les mutins au cours de leur formation troubleront la quiétude des animaux du parc », redoute le Réseau des communicateurs environnementalistes du Nord-Kivu dans une déclaration faite à la presse, lundi 16 juillet. Personnellement, je crains pour la disparition de ces grands singes qui sont déjà en voie d’extinction — ils ne sont plus que 200 individus – au profit de l’exploitation pétrolière.
Les populations civiles sont évidemment les premières à subir les exactions de toutes les bandes armées qui sillonnent le Nord-Kivu. Plus de 100 000 personnes auraient quitté la zone pour se réfugier dans les provinces ou les pays voisins pour échapper aux viols, aux meurtres, aux enrôlements d’enfants-soldats. En dehors des miliciens du M23, les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) rançonnent les commerçants des villages proches de Lubero. D’autres groupes armés se développent par suite de l’incapacité du gouvernement central de faire régner l’ordre dans la région. Les ministres de la Défense des onze pays membres de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL, encore un sigle !) ont délégué vingt-deux experts pour répertorier et évaluer les capacités de ces groupes armés étrangers et nationaux. Ces officiers doivent aussi établir une cartographie des territoires occupés afin de mieux définir d’ici le mois de décembre les possibilités d’intervention d’une force internationale neutre.
Dans ce contexte très instable, la situation dans la ville de Goma ne cesse d’empirer. Des meurtres et des actes de banditisme sont commis quotidiennement. Le 23 septembre, trois personnes, dont un capitaine de la garde républicaine, ont été abattues dans une attaque à l’arme à feu et à la grenade. Le 28, un opérateur du secteur pétrolier est retrouvé tué par balle. Le lundi 8 octobre, une grenade a explosé dans un centre commercial faisant un tué et vingt-deux blessés… Ces actes de « terrorisme urbain » sont certes le fait de malfrats locaux, mais aussi d’éléments des forces armées nationales. Certains soldats n’hésitent pas à vendre leurs armes à des bandits ou à se payer sur la bête… Pour ajouter à la psychose, le M23 annonce qu’il va prendre, vendredi 12 octobre, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, dont il n’est plus qu’à trente kilomètres. Dans ce cas, quelle sera la réaction des Casques bleus des Nations-Unies dont on connaît le peu d’entrain à affronter des rebelles organisés ? Leur porte-parole, le colonel Félix Basse, s’est voulu rassurant : « La ville de Goma est sécurisée et le dispositif sécuritaire mis en place ne permettra pas au M23 de franchir le Rubicon ».
Sur le lac Albert qui sépare la RDC de l’Ouganda, dans l’Ituri à l’est de la province Orientale, la multinationale Shell avait entamé des recherches depuis 1938 alors que sur la rive congolaise elles ne débutèrent qu’en 1952-54. Plus de 4 milliards de barils sont en jeu et les activités de pompage ont commencé côté ougandais. Déjà en 2007, des affrontements armés avaient opposé les deux pays avant qu’un accord ne soit signé à Ngurdoto le 8 septembre de la même année. Comme d’habitude, du côté congolais, les autorités sont réticentes à l’appliquer et palabrent avec la société britannique Tullow Oil qui revendique quatre blocs et l’entreprise sud-africaine Heritage Oil. La RDC prend du retard dans la mise en valeur de cette manne, car le gouvernement a changé à deux reprises les attributaires des permis d’exploitation, totalement inconnus dans le monde pétrolier et certainement domiciliés dans des paradis fiscaux. D’après des recherches faites par l’Observatoire britannique du pétrole Platform, certains hommes politiques proches du pouvoir central seraient impliqués dans les contrats de 2006. Des conflits ont éclaté au sein du gouvernement congolais entre un vice-ministre et un ministre qui auraient signé ces accords sans l’aval de la Présidence. En attendant, les observateurs estiment à plus de 10 milliards de dollars les sommes perdues par l’État congolais qui a octroyé 50 % de bénéfice à deux compagnies pour produire 20 000 barils par jour… Un autre contrat avec la société sud-africaine Divine Inspiration – je n’ai pas inventé le nom ! — prévoirait même des paiements en nature aux FARDC. Tout est possible au Congo quand cela peut se faire au détriment de l’intérêt national et de la population qui croupit dans la misère. Mais comment évacuer tout ce pétrole sans s’entendre avec le président ougandais Museveni, car il est irréaliste de le ramener vers la côte atlantique, à plus de 2500 km de là, en traversant la cuvette centrale marécageuse du Congo ? La voie la plus directe est de l’écouler par un oléoduc passant par l’Ouganda puis le Kenya pour aboutir au port de Mombasa sur l’océan Indien.
Plus au sud, dans le prolongement du Graben Albertine, se trouve le lac Tanganyika qui sert de frontière entre le Katanga et la Tanzanie. Là aussi, des groupes armés essaient de contrôler le terrain. La localité de Kabobo, sur la rive du lac, est envahie par des rebelles rwandais lourdement armés du FDLR depuis le 20 septembre. Ces Rwandais sont appuyés par des combattants Maï-Maï de Yakutumba qui ont repoussé les éléments de l’armée régulière congolaise. Ils se dirigent vers Bendera à une centaine de kilomètres au nord de Kalemie, grand port lacustre et terminus d’une voie ferrée qui mène à Lubumbashi.
Ces réserves pétrolières, à cheval sur les frontières orientales du pays, vont certainement raviver les anciennes querelles de limites des états de la région. Ces frontières, mal définies par les puissances coloniales à la fin du 19e siècle, manquent de précision malgré l’engagement de l’Organisation de l’unité africaine puis de l’Union africaine de préserver les tracés issus de la colonisation. On risque là d’ouvrir la boîte de Pandore avec un effet domino sur toutes les frontières africaines qui sont la plupart du temps arbitraires.
D’après les géologues, une troisième zone, beaucoup plus étendue, serait également riche en ressources pétrolières. Elle occupe plus de 800 000 km² dans la cuvette centrale. Elle recouvre partiellement le Bandundu, les deux Kasaï et l’Équateur. Ce n’est que récemment que des experts brésiliens ont commencé les premières études de sédimentation. Il s’agit d’un territoire difficilement accessible, en grande partie marécageux et sans voies de communication. S’il s’avérait qu’il y a du pétrole dans cette zone forestière – la deuxième au monde après l’Amazonie –, cela pourrait bouleverser les rapports de force entre les provinces et rééquilibrer les ressources du pays. Mais aussi raviver les querelles fiscales entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement national. Ou certainement, attiser les convoitises de groupes armés rebelles qui risquent d’y éclore. Les FARDC, l’armée régulière, ne seraient de toute évidence pas les dernières à se positionner pour contrôler ces gisements potentiels.
Les années qui viennent s’annoncent particulièrement chaudes et le risque de balkanisation n’est pas prêt de s’éloigner de la RDC, car partout les pouvoirs locaux s’opposent à un État prédateur et spéculateur qui ne s’appuie pas sur une législation fiscale, sociale et environnementale transparente et équitable. Le rôle de Kinshasa est le plus souvent, comme dans le domaine minier, ambigu et opaque lors des attributions puis des réattributions des contrats qui ne respectent pas le code minier ou pétrolier. Ces contrats ne profitent que rarement aux populations autochtones qui ne voient pas les retombées sur leur niveau de vie de ces arrangements ministériels.
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